Territorialiser les politiques publiques... et les pratiques managériales ?

Emilie Bret

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Territorialiser les politiques publiques... et les pratiques managériales ?

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La territorialisation des équipes et des politiques publiques est à la mode. Mais ce n'est qu'avec l'implication des managers et certains changements de pratiques qu'elle peut donner pleinement des résultats.

Article publié le 23 octobre 2015

Deux mots d'ordres ces dernières années dans les collectivités territoriales : territorialisation et transversalité ! Par souci d'efficacité et de pertinence du service public, on adapte la politique menée au territoire considéré, et on recherche la pluridisciplinarité des équipes en les mobilisant dans des « groupes projets », mixant les niveaux hiérarchiques et les technicités.

Déconcentrer les équipes est loin d'être neutre

Intéressons-nous à la démarche de territorialisation des politiques publiques, et à ses conséquences sur les pratiques managériales. Bien souvent, on territorialise une politique, à l'issue de diagnostics, d'enquêtes de terrain, d'interviews avec ses « acteurs », puis on réfléchit à la manière dont concrètement la présence de la collectivité sur le terrain pourrait illustrer ce souci d'agir au plus près des préoccupations des usagers.

Or, déconcentrer les équipes est loin d'être neutre dans nos pratiques managériales quotidiennes, mais aussi dans les valeurs qui sous-tendent ces pratiques. On déconcentre rarement les échelons managériaux, prenant ainsi le risque d'éloigner l'échelon des exécutants (ces derniers fussent-ils outillés pour être autonomes) de leur hiérarchie.

On déconcentre rarement les échelons managériaux, prenant ainsi le risque d'éloigner l'échelon des exécutants de leur hiérarchie.

Où est le problème ? À l'heure d'internet, des conférences téléphoniques, voire du télétravail, l'éloignement géographique ne saurait pourtant être un frein à la bonne marche de l'administration et à la cohérence de son management !

Pour autant, en écho à une tribune d'un collègue il y a quelques semaines dans ces mêmes colonnes, le facteur humain restera central dans cette recherche de cohérence. Recréer du management « fonctionnel » (sous mode projet, autrement dit) dans les cellules territorialisées ne suffit pas. Culturellement, le sens donné à une politique, à une façon de servir le public, sera d'autant plus fort et appliqué que la hiérarchie sera investie dans la façon concrète dont les choses se font sur ce fameux terrain.

Lire aussi : Pragmatisme, concertation et respect du territoire

Vive la mobilité !

Faut-il donc déconcentrer les échelons managériaux ? Peut-être. Ou peut-être appliquer les nouvelles façons de travailler non seulement pour les agents de terrain, mais aussi pour leurs hiérarchies : notamment, la mobilité ! Un bureau de passage dans une antenne territorialisée utilisable, et utilisé, par tous les niveaux de la chaîne hiérarchique, s'il peut paraître symbolique, ne l'est pas tant que cela : installé une demi-journée dans les lieux, (et pas nécessairement au guichet aux côtés des agents !), le manager comprendra d'autant mieux les problématiques de terrain : l'accessibilité du lieu, le type de public rencontré, les facilités logistiques de travail (et notamment la sacro-sainte qualité de la liaison internet !) entre autres choses...

À distance, les petits dysfonctionnements qui, en central, restaient « absorbables » par le collectif sont révélés au centuple.

La territorialisation des équipes et l'implication des managers dans l'organisation du travail sur le terrain peuvent ainsi devenir un levier puissant d'amélioration de nos pratiques administratives (et non plus seulement de conduite de politiques publiques !). À distance, les petits dysfonctionnements qui, en central, restaient « absorbables » par le collectif sont révélés au centuple ; en les éprouvant, le manager est davantage en capacité de tirer un fil et de remonter la chaîne de ces procédures qui se révèlent d'autant plus inadaptées dès lors qu'un choix politique de territorialisation est fait.

Étonnamment, mon expérience de quelques années en collectivité m'a convaincue que ce postulat s'avère opérant, tant dans une région de 6 millions d'habitants, que dans une ville de 150 000 habitants .

Lire aussi l'interview : Alain Cottalorda : "Nos équipes doivent pouvoir travailler ensemble"

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