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Nicolas Démoulin, député est membre de LREM. Il a été député en 2017 dans la 8e circonscription de l’Hérault. Il est, depuis 2018, vice-président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, en charge de la communication.
Quelles sont les principales propositions de votre rapport au gouvernement ?
Il s’agit d’élaborer un plan d’actions destiné à gérer dès aujourd’hui les conditions de sortie de la fin de la trêve hivernale, fixée au 1er juin prochain, et dont on pressent qu’elle aura un impact sur le nombre d’expulsions locatives au regard de la crise sanitaire et des conséquences sur la paupérisation des foyers les plus fragiles. Sur les 53 recommandations du rapport, 39 concernent des réponses sur le moyen et le long terme. En 2019, 16 700 expulsions locatives ont été dénombrées. En 2020, du fait de la suspension du dispositif, ce chiffre est tombé à 3 500. Mais, au 1er juin 2021, nous pourrions assister à un doublement des expulsions, soit 30 000 environ, si nous ne prenons pas les mesures qui s’imposent. Pour éviter d’en arriver à une telle extrême, je propose un traitement en fonction de la nature du bailleur, du locataire et de la dette.
« Le parc HLM doit proposer des solutions de relogement puisqu’il dispose de 30 000 logements sociaux vacants »
Les 16 700 expulsions enregistrées en 2019 concernaient pour moitié le parc social, les bailleurs privés pour l’autre moitié. Pour ces derniers, il faut prendre en compte le parc médié, avec présence d’un administrateur de biens entre le propriétaire et le locataire, et celui qui ne l’est pas, ce qui rend la médiation plus compliquée. Je propose de mettre en place au plus vite une cellule d’urgence, dans chaque département, destinée à coordonner les efforts de tous les acteurs de la politique de prévention des expulsions et à piloter un plan d’actions. Il est aussi nécessaire que le parc HLM s’implique, en proposant des solutions de relogement puisqu’il dispose de 30 000 logements sociaux vacants.
« La ministre a déclaré récemment qu’elle entendait anticiper la méthode de reprise des procédures d’expulsion »
Quels sont les premiers retours d’Emmanuelle Wargon, ministre du Logement ?
Elle a déclaré récemment qu’elle entendait anticiper la méthode de reprise des procédures d’expulsion et un échelonnement des expulsions avec concours de la force publique. « Quand les expulsions ne pourront être empêchées, une solution de relogement ou a minima d’hébergement sera systématiquement proposée aux locataires expulsés », a-t-elle même indiqué, ce qui va dans le sens de mes propositions. Elle souhaite par ailleurs renforcer l’indemnisation des bailleurs, le rôle des huissiers, de même que celui des gardiens d’immeuble, dans le repérage plus en amont des situations.
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Comment le fonds d’indemnisation des propriétaires est-il géré aujourd’hui ?
J’ai découvert en réalisant ce rapport que de nombreux propriétaires découvraient l’existence de ce fonds au moment de l’expulsion des locataires ! Il est aujourd’hui de 33 millions d’euros, je propose de l’augmenter de 80 millions. Ce fonds est aujourd’hui entre les mains du ministère de l’Intérieur, ce qui paraît étonnant. Je propose donc que ce soit directement le ministère du Logement qui en assure la gestion. D’un département à l’autre, on note de nombreuses disparités dans le recours à ce fonds. Il doit constituer une alternative pour éviter que les personnes ne se retrouvent à la rue.
« L’huissier doit être susceptible d’annoncer à la personne en difficulté que des solutions existent pour éviter l’expulsion »
En quoi la facilitation du rôle de l’huissier qui est plutôt, dans l’esprit populaire, annonciateur de mauvaises nouvelles, est-elle une bonne chose ?
C’est le premier contact avec la personne potentiellement expulsable ! L’huissier ne peut accéder aux parties communes du bâtiment, il est obligé de convoquer la personne à l’étude. On perd du temps, on rigidifie administrativement la relation. Or, l’huissier peut et doit être celui qui est susceptible d’annoncer à la personne en difficulté que des solutions existent pour éviter le drame de l’expulsion.
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Il faut répondre à l’urgence de l’après-1er juin 2021 mais aussi envisager un plan d’actions pour éviter cette issue fatale, tant du côté des locataires que des propriétaires…
Un plan d’actions plus vaste sera annoncé par la ministre dans les prochaines semaines. Ce qui m’a le plus surpris, c’est le nombre de personnes qui échappent au radar. Les locataires n’ont souvent pas la bonne info au bon moment. Lorsqu’il reçoit un commandement à payer, le locataire peut se tourner vers le conseil départemental pour bénéficier du FSL (Fonds de solidarité pour le logement).
« Beaucoup de personnes se rendent compte qu’elles ont droit à des aides alors qu’elles sont en audience ! »
Beaucoup de personnes se rendent compte qu’elles ont droit à des aides alors qu’elles sont en audience ! Même chose pour les propriétaires, qui se sentent légitimement lésés, et qui peuvent se tourner vers les Adil (agences départementales pour l’information sur le logement). Il faudrait que le FSL fasse l’objet d’un portage politique plus fort de la part des départements. Avec la crise sanitaire, de nouveaux profils vont émerger, comme les autoentrepreneurs ou de jeunes ménages, qui ne connaissent pas les services sociaux, et qui sont potentiellement en danger sur leur loyer. Il faut les alerter.
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Dernier point, vous évoquez la piste originale du déploiement de colocations dans le parc social…
Ce dispositif existe déjà mais il pourrait être renforcé. Je pense aux salariés en mission, qui ne fréquentent leur domicile qu’à de rares moments, et qui pourraient le partager avec une personne âgée, pour soulager les frais. Les derniers chiffres sont éloquents : la part des jeunes accédant au logement social a chuté ces derniers mois de 24 % à 8 % ! Où sont ces jeunes ? Sans doute recourent-ils au système D. Mais pour combien de temps ?