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Rebecca Hamilton, docteure en management, enseigne à ses étudiants de l’université de Georgetown que le challenge au cœur de tout défi relationnel est toujours le même : « combler les écarts que les psychologues appellent distance psychologique ». Ce concept examine les différences entre les individus sous divers angles : social ((Dans le sens « Qui intéresse les rapports entre un individu et les autres membres de la collectivité » – dictionnaire Larousse.)), temporel, spatial et expérientiel. Son application pratique est d’agir sur ces quatre facteurs pour réduire les écarts et développer de la proximité.
« Une faible distance psychologique permet d’assurer un niveau plus élevé d’engagement des employés, une plus grande cohésion entre les membres, accroît la satisfaction des individus, facilite les communications entre collègues, accélère le processus d’établissement de la confiance, permet la création d’une culture et ultimement augmente la performance des travailleurs » explique Éric Brunelle, professeur associé à la chaire de leadership de HEC Montréal. Cette approche est intéressante car elle propose quatre domaines d’action pour un cadre souhaitant accompagner un élu dans la construction d’un lien favorable avec des agents.
TÉMOIGNAGE
Laurence Malherbe, directrice des affaires juridiques de la ville d’Antibes Juan-les-Pins et vice-présidente de l’ADT Inet : « Créer un esprit de confiance est fondamental »
« Lorsqu’on choisit de travailler dans une collectivité territoriale, on sait que l’on va avoir un rapport à l’élu. Cela fait partie du métier du cadre de lui expliciter les choses, il ne sert à rien de se regarder en chiens de faïence. Plus le cadre explique à l’élu son travail et ses contraintes, plus il va l’amener à instaurer une relation de confiance avec son administration. S’ils travaillent dans un état d’esprit de confiance et de loyauté, c’est tout à fait possible. C’est une question de communication. Certes, certains élus se désintéressent et considèrent que le personnel ne les concerne pas. À l’autre extrême, il y a l’élu super-chef de service paternaliste… »
Réduire les distances sociales et expérientielles
Les réalités des élus et des agents des collectivités sont très différentes. Les uns possèdent un mandat avec un terme moyen, ont accédé à leur poste après avoir présenté un programme, font partie d’un groupe politique et répondent de leurs réalisations devant les habitants. Les autres disposent d’un statut de fonctionnaire ou d’un contrat de travail, ont été recrutés sur la base de leurs compétences et de leurs antériorités professionnelles, font partie d’un service et rendent des comptes à leur hiérarchie.
« Aider votre élu à communiquer sa vision politique et à montrer sa connaissance des activités et des projets est une base pour réduire les écarts. »
Pour un manager de collectivité, aider son élu à communiquer sa vision politique et à montrer sa connaissance des activités et des projets (voir pages précédentes) est une base pour réduire ces écarts. Une bonne méthode pour aller plus loin est d’organiser des temps de travail entre l’élu et les agents, par exemple en amont d’un choix de la collectivité de manière à rassembler de concert les éléments d’aide à la décision, au lancement d’une nouvelle action pour bâtir collectivement les conditions de réussite ou lors d’un bilan afin de partager les points de vue.
TÉMOIGNAGE
Jean-Laurent NGuyen Khac, directeur général du Centre interdépartemental de gestion de la Grande Couronne de la région Ile-de-France : « L’appui managérial de l’élu est nécessaire »
« Il est difficile de parler de co-management dans les collectivités locales car elles recouvrent des réalités trop différentes. En fonction de la taille et de la typologie des collectivités, les problématiques de management vont varier. De fait, le rôle de l’élu aussi va varier. Au-delà d’une certaine taille, les questions de management deviennent plus organisationnelles et les fonctions évoluent. Mais il ne faut pas oublier que l’élu a la légitimité finale, et celle du manager vient uniquement de la confiance qui lui est donnée par l’élu. Cela signifie qu’un appui managérial de l’élu est nécessaire par le biais de certaines actions comme sa participation à des moments forts dans les services. C’est de cela que le manager tire son pouvoir vis-à-vis du personnel. »
Réduire les distances temporelles et spatiales
Leurs repères sont également différents : ils n’ont pas les mêmes échéances – l’élu a pour ligne de mire l’exercice budgétaire et la fin de son mandat alors que l’agent de collectivité vit à un rythme plus ancré dans le quotidien – et, le plus souvent, ils ne se situent pas dans les mêmes lieux. Pour rapprocher les uns et les autres, organisez la présence régulière de votre élu dans les lieux d’activité de votre équipe.
Par ailleurs, veillez également à sa participation aux moments symboliques forts de leur cycle de travail. Ces deux règles sont simples à mettre en œuvre, mais elles sont trop souvent négligées, infligeant des dégâts considérables sur la motivation. Soyez-en un gardien vigilant !
TÉMOIGNAGE
Céline Du Boys, maître de conférences à l’Institut de management public et gouvernance territoriale, Aix-Marseille Université : « L’arbitrage politique est nécessaire »
« On ressent à l’heure actuelle le besoin de voir évoluer la relation entre les directeurs et les élus. Il est nécessaire de changer la répartition des tâches. Avec la baisse de la dotation globale de fonctionnement, les méthodes semblent avoir été bouleversées. Il n’est plus possible de simplement optimiser le travail en interne. Les DG ont besoin que les élus réorientent les priorités et décident des services qui ne seront plus rendus aux usagers. Les cadres doivent avoir les orientations pour boucler les budgets. Ils sont entrés dans une logique de sensibilisation de l’élu aux contraintes financières car l’arbitrage politique est nécessaire. Ce travail d’éducation des élus a été renforcé. Ils doivent aussi prendre des informations dans les services et participer aux réunions. »
À FAIRE
Quatre valeurs qui multiplient par 5 l’efficacité d’un leader *
• Intégrité
• Responsabilité
• Pardon
• Compassion
* étude Mesuring the return on character, du cabinet KRW International, avril 2015.