Je ne peux passer sous silence, une ébauche de proposition de loi destinée à défendre et à accentuer le domaine public en France émise par Lionel MAUREL, conservateur à la Bibliothèque Nationale de France.
Cette ébauche lui est venue alors que le Ministère de la Culture projette de faire voter une loi sur le patrimoine en 2013 et après avoir constaté que même des organismes publics portent atteinte au domaine public (cf : infra) ; il suggère même de s'attaquer au « Copyfraud » qui demeure complètement impuni.
Je vous cite certains de ses propos tout à fait pertinents (in : « I have a dream : une loi pour le domaine public en France » : https://scinfolex.wordpress.com/2012/10/27/i-have-a-dream-une-loi-pour-le-domaine-public-en-france/) : «du fait de l'allongement continuel de la durée des droits et de la mise en place des droits voisins. Mais avec la numérisation, il est également menacé par de nombreux stratagèmes mis en place pour faire renaître des couches de droits divers et variés ( copyfraud) . Alors que la numérisation devrait être l'occasion de diffuser largement le domaine public, en accord avec sa nature, les institutions culturelles (bibliothèques, musées, archives) qui assurent la numérisation portent dans leur immense majorité à son intégrité. La mise en place de partenariats public-privé pour la numérisation du Patrimoine est aussi une source grave d'atteintes potentielles, à cause des exclusivités consenties par les établissements publics aux firmes privées.»
Il présente sept objectifs à partir desquels il émet 26 propositions et qui peuvent encore évoluer ; ces sept objectifs sont les suivants :
1) Consacrer explicitement la notion de domaine public dans le Code de Propriété Intellectuelle français
2) Simplifier le régime du domaine public et unifier la durée des droits
3) Limiter le champ d'application du droit d'auteur
4) Empêcher les atteintes à l'intégrité du domaine public
5) Encadrer strictement les partenariats public-privé de numérisation
6) Élargir le domaine public par le versement d'oeuvres récentes
7) Créer des mécanismes pour rendre effectif le domaine public
Je vous invite à lire de façon exhaustive ses propositions non dénuées de sens.
Et celui-ci de conclure : «J'ai un rêve ! Que la France, pays de Beaumarchais et du droit d'auteur, devienne aussi le premier à adopter une loi pour le domaine public!»
Un des aspects également intéressants concerne la notion de « Copyfraud » ou l'accaparement et les atteintes au domaine public nullement réprimées et pourtant condamnables ; il en est ainsi, selon le juriste américian Jason Mazzone de : la fausse déclaration de possession d'un contenu tombé dans le domaine public ,la prétention à imposer des restrictions d'utilisation non prévues par la loi, la prétention à privatiser un contenu en arguant de la détention d'une copie ou d'une archive de ce contenu et la prétention à privatiser un contenu tombé dans le domaine public en le diffusant sous un nouveau support.
Pour en savoir plus sur le copyfraud, à lire le texte « l'inverse du piratage, c'est le copyfraud, et on n'en parle pas : http://blogs.rue89.com/les-coulisses-de-wikipedia/2012/10/14/linverse-du-piratage-cest-le-copyfraud-et-personne-nen-parle » de Pierre-Carl Langlais, wikipédien et critique musical. Il est vrai que les « fraudeurs » sont rarement condamnés en raison certainement de leur notoriété ; et de citer : « Times britannique, la Réunion des musées nationaux, la Bibliothèque nationale de France, un département français...»
Le cas du département français, même s'il prête à sourire, illustre bien l'opinion de Pierre-Carl Langlais qui considère que « d'un point de vue éthique, le copyfraud est aussi grave que le piratage. Privatiser le domaine public n'implique pas un préjudice pour un particulier ou une entreprise, mais pour tout le monde. On porte atteinte au patrimoine commun d'une collectivité, voire de l'humanité.»
En l'espèce, le département de la Dordogne avait tenté d'empêcher la diffusion d'un fac-similé des peintures de la grotte de Lascaux, arguant du fait que cela constituait une contrefaçon portant atteinte au patrimoine national ! Autrement dit une telle oeuvre devrait être protégée, reste à trouver les ayants droit...
En ce début de nouvel an, qu'il est bon de lire des propositions intelligentes provenant de personnes issues de la société civile ; reste à savoir si nos parlementaires vont avoir à coeur de les étudier, d'en retenir certaines voire, ne serait-ce, que de les lire ?
P.S : Deux témoignages instructifs d'internautes
- Un très grand chef d'orchestre ami d'enfance de mon oncle avait joué pour l'ortf il y a bien plus de 50 ans un opéra comique ,c'était sans doute le meilleur pour ce type de musique à l'époque.
Avant on pouvait l'écouter gratuitement ,je signale qu'il ne touche aucun droit.
Et bien maintenant l'ina éxige des droits d'une oeuvre qui ne lui appartient pas.
A quand l'hadopi à reculons!
pemmore
31 octobre, 2012 17:03
- Il y a environ 8 ans, des étudiants que je suivais en mastère multimedia voulaient réaliser un travail sur les peintures sacrées du Tibet et avaient besoin d'images haute définition de celles conservées au musée Guimet. Las ! ce fut impossible - ils eussent pu les mettre sur le Web (à noter qu'il leur en fallait 2 ou 3 !). Heureusement, par une voie détournée, on put en avoir une et le travail réalisé a été remarquable.
On notera que ces peintures ont en outre été vraisemblablement dérobées aux Tibétains par on ne sait qui, ou en tout cas acquises sans grand frais il y a fort longtemps
Je dois dire que je ne sais pas maintenant quelle est la politique du musée Guimet
Je me demande d'ailleurs si nos amis britanniques protègent les droits des photos des bas reliefs du Parthénon qu'ils ont dérobés et refusent avec énergie de rendre à la Grèce
Tout ça est triste parce que les institutions culturelles, étant de plus en plus exsangues financièrement, recourent au vol du bien public pour se financer - c'est de toute une politique qu'il s'agit...
Norbert
norbert.paquel
8 novembre, 2012 12:04