Une ville riche, ça existe encore ?

Marjolaine Koch
Une ville riche, ça existe encore ?

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Riches ou pauvres, dans un contexte de crise, et même pour les riches, le seul levier pour avoir un peu d’oxygène est le partenariat avec les voisins.

Bien sûr, les extrêmes existeront toujours. Bien sûr, Puteaux et ses dépenses excessives font toujours les gros titres. Bien sûr, les villes dotées de centrales nucléaires filent bon train, sous le regard envieux des voisines. Les villes riches sont encore nombreuses. Pourtant, leur train de vie a lui aussi a changé. Et plus qu’un inconvénient, il se pourrait bien que ce soit un avantage provoquant des retombées positives pour toutes les collectivités, riches ou pauvres. Car dorénavant, il faut se serrer les coudes et envisager les investissements, le service public local autrement. En Isère, Meylan et sa « Zirst », vaste zone d’activité florissante (aujourd’hui Inovallée), était le fleuron de l’économie grenobloise.

Certaines villes dites riches ont des patrimoines qu’elles peinent à financer

Mais les règles ont changé, notamment avec la suppression de la TP, et les finances de la ville ont subi le contrecoup. « Cette masse financière existe toujours, même si elle est rabotée : les dotations de compensation sont incomparables » précise Damien Guiget, adjoint au maire de Meylan. Les années 1980 ont été marquées par l’expansion de la ville, qui s’est dotée de gymnases, structures de petite enfance, bibliothèques… mais aujourd’hui, « tout ce qui a été fait après la décentralisation arrive en fin de vie. On se retrouve dans une situation où certaines villes dites riches ont des patrimoines qu’elles peinent à financer ». Les ressources de la ville connaissent un léger tassement alors même que ces équipements demandent de l’entretien et que les compétences ou réformes nouvelles induisent des coûts supplémentaires aux collectivités, sans contrepartie de la part de l’État.

TÉMOIGNAGE
« Quand on est riche, on peut tout se permettre »
« On a organisé une décentralisation dans les années 1980 sans organiser de contre-pouvoirs suffisamment solides. On a ouvert les conseils municipaux à l’opposition, mais les élus sont souvent bénévoles, ils n’ont pas de secrétariat et sont obligés de passer par le maire pour avoir une information sur l’administration et les projets. Quand les chambres régionales des comptes se penchent sur une affaire, leur action aboutit généralement à peu de chose. Les préfets, qui devraient aussi assurer un contrôle sur les dépenses, ne tiennent pas réellement leur rôle. Je l’ai vu de multiples fois à Puteaux.
Le conservatoire de musique de Puteaux a coûté 53 millions d’euros : avec du benchmarking, j’ai découvert que c’était 3 à 4 fois plus que dans d’autres villes. Qu’est-ce qui justifie un tel montant ? J’ai interpellé le ministère de la Culture qui a subventionné cet ouvrage à hauteur d’1 million d’euros (par le biais de la Drac). On m’a répondu « la commune est autonome, elle fait ce qu’elle veut ». Quand on est riche on peut tout se permettre, mais il faut mettre des critères et de la transparence. »
Christophe Grébert, auteur du blog monputeaux.com et candidat aux municipales à Puteaux

Réfléchir de manière plus collective

Ce changement de donne a été le point de départ de la réflexion de Damien Guiguet. D’une part, il pose la question d’une rationalisation des services ressources. « À l’échelle d’une agglomération, est-ce que cela a du sens d’avoir autant de services marché que de communes ? Que l’édition des fiches de paie soit faite en interne ? On peut décliner cela à l’infini, pour l’informatique, la téléphonie… le privé fait cela depuis des décennies. » Mais il s’attaque aussi au modèle actuel de service public : « On va devoir se mettre à la mutualisation et réfléchir de manière plus collective ».

À l’opposé de l’échiquier, depuis sa ville de banlieue parisienne qu’est Bondy, l’élu aux finances Ali Zahi a entamé le même cheminement : « L’avenir est au regroupement, il est fini le temps où chaque ville voulait disposer de sa piscine, son cinéma, son conservatoire… L’intérêt de l’intercommunalité est là. Parmi les quatre ressources que sont l’État, les dotations, les subventions et l’emprunt, le seul levier qui permettrait d’obtenir un peu d’oxygène est le partenariat avec les voisins ».

Un changement culturel s’opère au niveau des communautés urbaines

Le tout est de définir, pour chaque service, quel est le périmètre pertinent. « Il ne sera pas le même pour les transports que pour l’habitat ou les crèches » précise Damien Guiguet. « L’usager préférerait certainement des conventions pour obtenir une place en crèche près de son lieu de travail. Il faut que l’on se mette à penser nos politiques publiques en s’adaptant au mode de vie de nos populations. »

Pour Olivier Landel, délégué général de l’Acuf, un changement culturel s’opère au niveau des communautés urbaines. « Elles se sont bâties sur de grands services urbains à vocation technique, (mener des politiques sociales territorialisées ne va pas de soi). Mais de plus en plus, elles pensent que le volet social est indispensable. » On dit que ce n’est qu’au pied du mur que l’on prend des décisions radicales… l’adage semble se confirmer.

TÉMOIGNAGE
"Un conservatoire, c'est un an de masse salariale"
« J’étais à une conférence où l’intervenant donnait l’exemple d’un conservatoire à Puteaux à 70 millions d’euros (N.D.L.R. : en fait, 65 millions d’euros avec l’aménagement du parking et des espaces verts). C’est exactement mon budget de fonctionnement ! Avec cette somme je finance ma masse salariale, 1 200 agents, pendant un an, auquel vous ajoutez l’électricité, le nettoyage, la voirie, l’entretien des écoles, centres sociaux, stades, conservatoire, bibliothèque… Je fais tout avec ce budget-là pour 54 000 habitants ! Entre Est et Ouest parisien, la différence est criante. Quand vous devez faire la même chose que le voisin mais avec des moyens bien moindres, c’est frustrant. »
Ali Zahi, Élu chargé des finances à Bondy et vice-président de la CA « Est ensemble »

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