Vente de HLM : les maires ne veulent pas devenir agents immobiliers

Stéphane Menu

Sujets relatifs :

,
Vente de HLM : les maires ne veulent pas devenir agents immobiliers

DOSS_©gpointstudio---AdobeStock_271233511

À l’évidence, les maires veulent garder la main sur la gestion du parc social pour loger leurs administrés. Ils refusent pour l’heure d’être dans une logique de vendeurs. Car cela n’entre pas dans le champ de leur mission.

Et s’il avait raison, Loïc Moroni, manager commercial chez Logiest, en Moselle, filiale d’Action Logement, dont la raison d’être professionnelle est de chasser les acheteurs potentiels sur l’axe Metz-Thionville : « les situations divergent d’une commune à l’autre mais les attitudes sont souvent très pragmatiques. La loi nous oblige à reconstruire des logements sociaux en PLAI, destinés aux ménages les plus précaires, quand nous avons vendu un logement social ».

Lorsque les élus comprennent les enjeux, découvrent que la vente est sécurisée, ils ont moins de réticence à entrer dans cette dynamique

« Nous ne sommes pas sur un marché tendu, dont Paris est l’exemple absolu. Nous avons donc la possibilité de renouveler l’offre de logements sociaux avec une meilleure qualité de bâti grâce à ces nouveaux financements. La vente de HLM va créer un cercle vertueux. Lorsque les élus comprennent les enjeux, découvrent que la vente est sécurisée, notamment avec la clause de rachat inscrite dans la loi Elan si le propriétaire rencontre des difficultés financières, ils ont moins de réticence à entrer dans cette dynamique ». À vrai dire, un tel discours s’avère à ce jour plutôt minoritaire.

Lire aussi : Quand des coopératives HLM créent un organisme foncier solidaire

La faute au SRU

La vente de HLM à leurs occupants peut se heurter à l’opposition des maires, puisque ces biens sortiront de fait des quotas imposés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui impose à un certain nombre de communes de disposer d’au moins 20 % de logements sociaux. Certes, en 2018, les députés de l’Assemblée nationale ont approuvé l’allongement de cinq à dix ans de la durée pendant laquelle des logements sociaux vendus seront pris en compte dans le quota fixé par la loi SRU.

« Les logements que nous vendrions, nous serions incapables de les remplacer à l’intérieur de la capitale »

« Mais dix ans, c’est bien peu quand on sait à quel point il est difficile pour les maires d’atteindre le seuil des 20 % pour éviter à leur commune d’être déclarée « carencée » par la préfecture », précise à juste titre Jean-Claude Driant, le professeur d’urbanisme. Il y a bien entendu le cas parisien, clairement explicité par Anne Hidalgo lors du dernier congrès de l’USH. « À Paris, nous sommes opposés à la vente des logements sociaux. Car les logements que nous vendrions, nous serions incapables de les remplacer à l’intérieur de la capitale ». On pourrait le juger spécifique.

En fait, il n’en est rien. Soixante et onze bailleurs sociaux ont signé avec l’ONV d’Action Logement dans une perspective de vendre aux locataires des logements sociaux ; on compte en France 694 opérateurs (chiffres USH 2018).

TÉMOIGNAGE
« Ne pas fragiliser un modèle qui marche »
« Nous sommes opposés à la vente des logements financiers. Ce serait une manière de marquer un peu plus le désengagement financier de l’État. Avec la réforme des APL, ce sont 1,5 milliard de recettes en moins sur un total d’aides publiques de 17 milliards d’euros qui n’arrivent plus dans les caisses des bailleurs. Ce n’est pas rien. Nous ne sommes pas contre l’encouragement à l’accession à la propriété mais pas dans n’importe quelles conditions. Le secteur du logement social se porte plutôt bien. Il a démontré qu’il pouvait aider à loger des millions de personnes. Il ne faut pas le fragiliser ».

Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre

Comme un air de réforme des retraites

À Rennes, le bailleur social Archipel Habitat (16 500 logements gérés sur la ville) affiche le même scepticisme. Par choix, insiste Cécile Belard du Plantys, la directrice, dans les colonnes de Ouest France. « Ce n’est pas un modèle que l’on souhaite encourager. La vente HLM comme moyen de financement de la construction de nouveaux logements consisterait à passer – pour faire une analogie avec la réforme des retraites – d’un système par répartition à un système par capitalisation », image-t-elle. L’office public de l’habitat rennais a fait ses calculs : « les bailleurs sociaux s’appuient sur un parc basé sur l’équilibre. On a certains immeubles où les locataires paient plus de loyers que nous payons de charges et parfois l’inverse. En vendant les immeubles les plus « rentables », cela casse cet équilibre », ajoute la directrice.

La construction de nouveaux HLM pourrait se faire dans des secteurs potentiellement plus attractifs dans le cadre d’une future revente

Un autre effet pervers est dénoncé par les maires : la construction de nouveaux HLM pourrait se faire dans des secteurs potentiellement plus attractifs dans le cadre d’une future revente. Or, la mission des bailleurs publics n’est pas de vendre mais de construire là où le parc privé n’offre pas les meilleures conditions pour loger tout le monde.

TÉMOIGNAGE
« 10 % de notre parc social est à la vente »
L’objectif est clair : favoriser l’accession à la propriété. Depuis plusieurs années, à la demande de nos locataires, nous vendons des logements. Nous avons aussi développé, via le prêt social location-accession (Psla), des ventes de logements sociaux issus de programmations dans le neuf. Ce dispositif permet à de jeunes ménages qui ne peuvent accéder à la propriété dans le parc privé d’entrer au plus vite dans le parcours résidentiel. Le bilan est très positif puisque nous avons vendu 500 logements ces deux dernières années, sur un nombre total de 20 000 logements. À ce jour, 10 % du parc est à la vente, en attente d’acheteurs. Ces derniers sont prioritairement des locataires en place dans le logement ciblé. S’ils refusent, ils restent locataires. Et la vente ne peut se faire que lorsqu’ils quittent leur logement.

Loïc Moroni, manager commercial à Logiest (Moselle)

Recevez votre newsletter hebdo gratuitement

Nous vous recommandons

Flore Thérond : «puisque nous n’avons plus de médecins, autant travailler sur la prévention»

Interview

Flore Thérond : «puisque nous n’avons plus de médecins, autant travailler sur la prévention»

La maire de Florac-Trois-Rivières connaît bien les raisons de l’avancée du désert médical en Lozère. Elle parle un langage de vérité sur la situation sanitaire de son département et, au-delà, se dit favorable à l’encadrement...

28/09/2023 |
Éditorial : Les négateurs et ce qu’il faut en dire

Éditorial : Les négateurs et ce qu’il faut en dire

Les territoriaux rentrent dans les Chambres et sortent dans la Cour

Les territoriaux rentrent dans les Chambres et sortent dans la Cour

Casinos : le Sénat est joueur

Casinos : le Sénat est joueur

Plus d'articles