DOSS_OUV_AdobeStock_129881632.jpg
© biker3 - adobestock
La numérisation massive des économies est souvent présentée comme une opportunité de création d’emplois, notamment par ceux qui croient en une mondialisation heureuse. L’idée est que, si de très nombreux emplois sont supprimés, d’autres devraient être créés dans de nouveaux métiers, accessibles dès lors que les personnes ont la formation nécessaire.
La croyance contre l’expérience en matière d'emploi
Il y aurait à terme un nouvel équilibre, sans progression du chômage. Cette croyance (car, en l’état actuel, il ne peut s’agir que d’une croyance dans un futur plutôt que dans un autre) s’oppose à ce qui a été constaté ces quarante dernières années dans l’industrie notamment, y compris dans des pays à faible croissance démographique : une grande part de l’explosion du chômage a résulté de l’impossibilité de retrouver un emploi pour les anciens ouvriers de toutes qualifications, techniciens, contremaîtres, agents de maîtrise, etc., sans compter les nouveaux venus sur le marché du travail.
Face à cette réalité, les fondements théoriques de la mondialisation heureuse ne sont pas clairs
Face à cette réalité, les fondements théoriques de la mondialisation heureuse expliquant que, cette fois, les choses devraient être différentes, ne sont pas clairs et il semble prudent de ne pas se contenter de ce scénario.
Un nécessaire regard transversal sur les territoires
Quoi qu’il en soit de cette foi dans le « progrès », que peut-il se passer dans les territoires et les agglomérations ? Répondre à la question suppose un regard transversal, puisque sont concernés le nombre d’emplois, leur statut (précaires ou pas, bien rémunérés, donc à pouvoir d’achat, ou pas et ainsi offrant des débouchés commerciaux, etc.), mais aussi le devenir des espaces dédiés aux activités économiques, les transports, l’espace public, l’emploi public, le financement de l’action publique, etc.
Plus besoin de localisation de l'activité
La numérisation impacte la structure de l’entreprise qui devient plus petite, moins visible, moins localisée dans des espaces dédiés (parcs d’activités, centres commerciaux), plus intégrée dans la ville et l’habitat. On peut être numéro un sur une niche et travailler à domicile !
Plus globalement, de très nombreuses activités n’ont plus besoin d’être localisées près de leurs clients ou fournisseurs. En effet, leur production est soit immatérielle (algorithme…), soit transportable dans l’espace parce que vendue à des millions d’exemplaires (mobile, boîte de vitesses, etc.), ou d’une valeur unitaire suffisante pour que leur transport ne pèse pas trop sur le prix final. La baisse des coûts liée au transport sans chauffeur va accélérer ce mouvement.
Il faut dépasser la fascination technologique et admettre que l’objectif est de réduire les coûts de production
La numérisation finalise le mouvement entamé il y a quarante ans. Le développement concomitant de l’informatique, des réseaux de communication et de transport a favorisé l’éclatement de l’entreprise industrielle classique : il n’est plus indispensable d’avoir différents métiers dans un même établissement car il est devenu possible de spécialiser des sites ayant moins d’emplois mais davantage de productivité, réalisant quelques produits ou quelques étapes de la production, le bien intermédiaire circulant alors d’un site ou d’un continent à un autre. Cette logique de baisse des coûts va se systématiser.
Baisse des coûts et autoproduction
Il faut donc dépasser la fascination technologique et admettre que l’objectif est de réduire les coûts de production, notamment dans les services et les transports. En effet, la rupture technologique dans l’industrie a permis de supprimer des millions d’emplois de production tandis que d’autres emplois étaient créés dans le transport de ces biens intermédiaires ou finis, leur vente et les services qui les accompagnent.
Bien qu’insuffisants pour compenser les pertes dans l’industrie et d’autres secteurs, ces emplois ont néanmoins été très nombreux. Or, ils sont aujourd’hui menacés, leur suppression est la suite logique de ce qui s’est produit auparavant dans l’industrie, mais de façon plus rapide dans le temps.