Ville sans voiture : Hambourg, du rêve à la réalité

Marjolaine Koch
Ville sans voiture : Hambourg, du rêve à la réalité

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Sans vouloir, comme l’intention lui en a été prêtée, interdire totalement la voiture sur son territoire, Hambourg, deuxième ville d’Allemagne, veut tout faire pour la rendre inutile. Plus facile quand près de la moitié de la ville est composée d’espaces verts.

Article publié le 11 février 2014

L’information circule dans les journaux internationaux et les sites spécialisés depuis le début de l’année : Hambourg aurait mis en place un plan d’aménagement en vue d’interdire complètement les voitures en 2034. Elle serait la première métropole (1,8 million d’habitants en 2012) à franchir le pas. Mais devant le « buzz » provoqué par cette annonce, la ville s’est empressée de publier un communiqué le 27 janvier, où elle reconnaît son projet de mettre en place un réseau vert, mais dément le fait de vouloir « devenir une ville sans voiture ». Envisager cette hypothèse à l’échelle d’une ville serait-il encore tabou ?

Quoi qu’il en soit, Hambourg reste tout de même précurseur dans sa volonté de favoriser les réseaux piétons et cyclistes grâce à une densification des zones vertes.

Une place à part

Deuxième ville d’Allemagne, troisième port d’Europe, Hambourg est une métropole portuaire active. Avec 40 % de sa superficie dédiée aux espaces verts (installations sportives, jardins, cimetières, parcs…), elle tient une place à part. C’est l’une des rares villes où, dès les années 1900, le plan d’urbanisme a été réfléchi en intégrant les espaces verts. Dans leur plan d’aménagement, Fritsch Schumacher et Gustav Oelsner ont tracé des axes partant du centre vers la périphérie, comme la feuille d’un arbre. Entre chaque axe devaient se nicher des espaces verts, parcs, aires de jeux et de sport, à proximité des logements.

Hambourg est une des rares villes où, dès les années 1900, le plan d’urbanisme a été réfléchi en intégrant les espaces verts.

Cette idée est restée un fil conducteur pour tous les plans d’aménagement successifs : autant dire qu’à l’heure où la ville envisage de franchir un cap supplémentaire dans son « verdissement », son travail s’en trouve facilité.

Il reste cependant à lier ces zones, trop isolées. C’est cet aspect qui devrait modifier profondément le visage de Hambourg. Car pour l’instant, même plus verte que la plupart des autres villes de cette taille, Hambourg est classée parmi les plus mal loties d’Allemagne en matière de pistes cyclables, selon un sondage réalisé par l’association Vélo Club Allemand.

Les villes sans voitures, limitées aux zones touristiques
Peu de villes dans le monde ont interdit la voiture. Et vous pouvez être sûr que la raison, dans la majorité des cas, est l’attrait touristique que provoque le fait d’être une ville « libérée de ses voitures » (« car-free », en anglais).
Venise en est l’emblème, quoique l’on puisse considérer que la circulation sur route a été remplacée par la circulation sur voie d’eau, dans une moindre mesure ! En France, de nombreuses îles ont fait ce choix : Bréhat dans les Côtes-d’Armor, l’île de Sein au bout de la pointe du Raz, en Bretagne, ou encore l’archipel du Frioul au large de Marseille, parmi tant d’autres.
À chaque fois, la suppression des encombrants véhicules est un argument massue pour attirer les touristes, qui se déplacent à pied, à vélo ou grâce à un petit train faisant office de transport en commun. Dernière catégorie de communes sans voiture : les stations de ski, comme Avoriaz, la Thania sous Val Thorens ou encore la Norma, proposent de grands parkings à l’entrée de la station. À Avoriaz, de magnifiques traîneaux tractés par des chevaux de traits font office de transports en commun !

Rendre la voiture inutile

Lier ces zones vertes, voilà la clé de voûte d’une ville sans voiture : Klaus Hoppe, en charge de l’aménagement de Hambourg pour le ministère du Développement urbain et de l’environnement, veut que l’on puisse se déplacer d’un point A à un point B entièrement à vélo, sur des voies spécifiques sans voitures. Pour cela, deux ceintures vertes vont être aménagées, auxquelles s’ajoutent des aires vertes complémentaires.

Ainsi, il deviendra facile de se déplacer à pied ou à vélo pour rejoindre les transports en commun ou simplement atteindre sa destination. Un maillage sans aucune « zone blanche », pour que la voiture devienne inutile ou du moins, superflue.

Objectif : que l’on puisse se déplacer d’un point A à un point B entièrement à vélo, sur des voies spécifiques sans voitures.

Derrière cette volonté de réduire drastiquement le besoin d’avoir recours à une voiture, se cache une véritable nécessité pour la survie de la ville. Ces soixante dernières années, la température moyenne de Hambourg a augmenté de 1,2° C pour atteindre 9° C, et le niveau de la mer a progressé de 20 cm sur la même période. Il est donc vital de tout mettre en œuvre pour refréner les émissions de CO2 et préserver la qualité de vie des habitants.

Si l’on reparle de Hambourg à cause de cette hypothèse d’une « ville sans voiture », ses efforts ne datent pas d’hier : depuis 1990, la ville a diminué ses émissions de CO2 de 15 % et s’est fixé l’objectif d’atteindre - 40 % pour 2020.

Et si les automobilistes sont visés, la ville portuaire s’est aussi attaquée aux camions : des taxis-conteneurs pouvant remplacer jusqu’à 60 camions ont été mis en place pour faire la navette entre les différents terminaux portuaires. Grâce à ces initiatives, la ville avait décroché le Prix Capitale verte remis par la Commission européenne en 2011. Et qui sait ? Peut-être qu’en 2034, elle décrochera vraiment le prix de la « première métropole sans voiture »…

Ces candidats qui nous vendent une ville sans voiture
Promettre une ville sans voiture, ça fait gagner des voix ? On pourrait le croire, tant la tendance à la surenchère est grande chez les candidats aux municipales. À Paris, alors qu’Anne Hidalgo promet un quartier de la Bastille sans voitures, Nathalie Kosciusko-Morizet renchérit en proposant la « piétonnisation du centre de Paris », pour libérer les Halles et le Sentier de la circulation. Les grandes villes se trouvent touchées par les promesses d’un lendemain sans voiture.
À Lille, Jean-René Lecerf, représentant de l’UMP, préconise la piétonnisation de la Grand-Place, l’instauration de parkings à vélos et la gratuité des navettes. Déjà en 2008, Marseille connaissait ce phénomène avec une surenchère des candidats de gauche et de droite sur le thème de la piétonnisation du Vieux-Port. Six ans plus tard, notamment grâce au titre de Capitale culturelle européenne, les travaux ont été réalisés : 70 % des quais sont dédiés aux piétons contre 30 % auparavant.
Si généralement, la droite est plus prompte à fustiger les politiques « anti-voitures » pour conforter son électorat, dans les faits, les propositions et les actions de ses maires rejoignent souvent celles de la gauche. Strasbourg en est un exemple flagrant : alors que l’ex-maire UMP Fabienne Keller attaque son successeur sur sa politique « anti-stationnement et anti-voitures », elle a elle-même favorisé le déploiement des transports publics et du vélo entre 2001 et 2008. À Nice, l’UMP Christian Estrosi a choisi de développer le tramway au détriment de la voiture. En 2010, il avait même envisagé d’interdire les 4x4 et vieux diesels de la ville avant de se rétracter.

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