Villes moyennes : comment en finir avec les grandes surfaces ?

Stéphane Menu

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Villes moyennes : comment en finir avec les grandes surfaces ?

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Alors que la piste d’un moratoire sur les grandes surfaces avait été évoquée par le ministre himself, elle semble aujourd’hui s’éloigner. Le futur plan proposerait de renforcer les Scot pour enrayer la cannibalisation des centres par les grandes enseignes.

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Le 19 octobre dernier, David Philot, directeur de cabinet de Jacques Mézard, était l’invité d’un colloque organisé par le CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable), dont le thème est d’une brûlante actualité : « Comment réconcilier ville et commerce ? ». Le directeur de cabinet a d’abord rappelé que ce futur plan concocté par le ministère visait au « rééquilibrage entre centre-ville et périphérie » afin de revitaliser « les centres anciens dégradés ».

Contrat, le mot est lancé et non plus « moratoire » sur les grandes surfaces, comme Jacques Mézard lui-même l’avait laissé entendre.

Et d’ajouter que « quinze à vingt villes sont déjà prêtes à entrer dans cette logique contractuelle ». Contrat, le mot est lancé et non plus « moratoire » sur les grandes surfaces, comme Jacques Mézard lui-même l’avait laissé entendre. Le directeur général des entreprises du ministère de l’Économie, Pascal Faure, invité à clôturer les débats, a douché l’enthousiasme de certains en rappelant qu’il n’était pas possible, pour « des raisons constitutionnelles et européennes » de prendre une décision sous l’angle du moratoire.

Voir : Villes moyennes : l'opération de sauvetage est lancée et Mézard s'occupe des villes moyennes

Chevauchement dangereux

Pour autant, le ministère de la Cohésion des territoires n’entend pas subir. Deux rapports du CGEDD (l’un publié en juillet 2016, l’autre en mars 2017) ont mis en évidence un modèle « à bout de souffle ». Alors que le pourcentage national de commerces fermés dans les centres-villes dépassait les 10 % en 2015, « la cote d’alerte est clairement atteinte », rappelle pourtant David Philot. La surabondance anarchique des zones commerciales en périphérie des villes n’est plus défendable. « Les zones de chalandises se chevauchent, […] les grandes enseignes se cannibalisent entre elles », assure ce dernier. Si Bercy et la Cohésion des territoires assurent travailler main dans la main pour dégager des solutions sur ce sujet majeur, leur position respective reste pour l’heure distante.

Le cas caricatural d’Avignon

Mais certaines villes ont décidé de prendre les devants. C’est le cas d’Avignon, dont l’entrée est jalonnée de grandes enseignes. « Les villes moyennes ont beaucoup souffert d’un urbanisme commercial qu’on a laissé faire, y compris nous, les élus, puisqu’on siège dans les commissions départementales d’aménagement commercial », assurait cet été Cécile Helle, maire d’Avignon, sur le site de Localtis.

Elle a donc décidé de stopper cette prolifération, il est vrai loufoque : en France, « on compte 135 établissements commerciaux pour 10 000 habitants en moyenne, à Avignon, on est à 190 ». « On se bat aujourd’hui pour que le moratoire soit étendu à l’échelle de l’agglomération et du Scot. C’est une vraie bataille », conclut-elle.

600 villes pourraient être concernées par un moratoire, mais 17 seulement font aujourd’hui l’objet d’une telle expérimentation.

Le principe d’un tel moratoire avait été repris par l’ancien sénateur Yves Dauge, dans un rapport remis au Premier ministre, Bernard Cazeneuve. Six cents villes avaient été recensées comme étant potentiellement concernées par un tel dispositif. Mais dix-sept seulement font aujourd’hui l’objet d’une telle expérimentation, essentiellement dans le Centre-Val de Loire, en Grand Est et en Occitanie. Dans l’Hérault, ce sont directement les commerçants d’Agde, de Béziers et de Pézenas qui ont pris l’initiative d’interpeller le président du Scot pour mettre en place un tel moratoire. Sur la seule ville de Béziers, la désertification commerciale en centre-ville atteint un pic, avec 24 % en 2015 de taux de vacances. Un triste record national.

TÉMOIGNAGE
« Je n’attends rien des décisions d’en haut »
« Je n’attends rien des décisions d’en haut. Quand elles existent, il faut les saisir. Sinon, c’est localement que les projets les plus audacieux se construisent. Nous sommes en pointe en matière écologique. En 2015, nous avons mis en place une station délivrant du BioGnv (Ndlr, Gaz naturel véhicule) produit sous la marque Karrgreen®. Mais cette dernière avait un caractère expérimental puisqu’elle visait avant tout à servir les professionnels (Ndlr, artisans, entreprises et collectivités du territoire) par le biais d’un abonnement. Nous passons donc au stade supérieur en nous adressant désormais aux particuliers. Les performances annoncées sont élevées : 0 % de carburant sans impact, 50 % de pollution sonore en moins, 97 % de réduction des émissions de particules fines, 70 % de réduction des émissions d’oxyde d’azote (NOx). Pour faire son plein de BioGnv, il faut que le moteur soit adapté dès l’origine, soit que les particuliers aient équipé leur véhicule d’un kit Gnv. En tout cas, ça concerne des voitures hybrides. Le BioGnv constitue aujourd’hui la seule véritable alternative au diesel pour les gros utilitaires et les poids lourds. Les gros transporteurs, gros pollueurs et de plus en plus bannis des centres-villes, l’ont compris. Et les grandes surfaces commerciales jouent les relais utiles auprès d’eux pour passer du stade symbolique de BioGnv à une dimension plus conséquente ».
Grégoire Super, maire de Locminé (Morbihan)

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