Vincent Fouchier : "Le train métropolitain est parti"

Stéphane Menu
Vincent Fouchier :

FOUCHIER

© D.LAROSIERE

Vincent Fouchier travaille à « scénariser » le contenu du projet stratégique de la future institution. pendant que les élus ferraillent sur la forme (gouvernance), la mission interministérielle met à nu les faiblesses de la fragmentation actuelle du territoire.
Un récent rapport de l’OCDE sur l’aire Aix-Marseille, que la mission a commandé, révèle que « l’agglomération a enregistré la deuxième plus forte croissance de l’emploi des métropoles européennes entre 2000 et 2012 ». Êtes-vous surpris ? Non, pas vraiment. Ce rapport contrebalance les commentaires négatifs sur la construction en cours de la métropole marseillaise ou sur sa situation sociale. C’est un effet de miroir médiatique. En réunissant toutes les forces et faiblesses des six intercommunalités concernées, on se rend compte, en effet, que ce territoire est en pleine expansion. L’Insee avait déjà établi ce constat il y a peu. À l’analyse plus détaillée, les connaisseurs du dossier ne sont pas surpris de constater que les zones d’emplois les plus dynamiques se situent autour d’Aix-en-Provence et de l’Étang de Berre et moins dans Marseille intra-muros, mais qu’elles participent d’un même système économique. Cette vision d’ensemble offre l’avantage de situer ce territoire dans un contexte international et de pouvoir affirmer haut et fort qu’il supporte la comparaison.Il pointe aussi des inégalités importantes ((« La métropole Aix-Marseille est l’une des plus inégalitaires de France en matière de revenus et de chômage », constate l’OCDE. Plus de 60 000 emplois manquent – notamment chez les jeunes (20,8 % des moins de 30 ans sont au chômage) – pour atteindre le niveau économique des métropoles comparables en France.)) Oui. Ce qui signifie qu’en l’absence d’une organisation territoriale cohérente, la dynamique économique ne permet pas d’effacer les inégalités. L’intérêt de ce rapport est de mesurer à la fois les forces et les faiblesses de ce territoire. Ce diagnostic s’imposait pour poursuivre le travail que nous menons au sein de la mission interministérielle de préfiguration de la métropole Aix-Marseille Provence.Quels sont les chantiers sur lesquels vous travaillez au sein de la mission de préfiguration ? Nous avons ouvert huit chantiers, comme la mobilité, la cohésion sociale, l’emploi, etc. Prenons celui des mobilités, qui est une priorité sur cette aire. Nous avançons à pas prudents mais sûrs. Nous travaillons sur les projets mûrs, dont l’ensemble réuni nécessiterait une enveloppe de 4 milliards d’euros, alors même que le cumul de ces projets ne forme pas nécessairement un maillage métropolitain. Nous travaillons donc sur de nouvelles « lignes de désir » pour dessiner un véritable réseau de transport métropolitain.
En l’absence d’une organisation territoriale cohérente, la dynamique économique ne permet pas d’effacer les inégalités.
Le rapport de l’OCDE compare les mobilités en cours sur l’aire d’Aix-Marseille à celles de Denver ou Los Angeles. Les habitants de la métropole Aix-Marseille cumulent 10 jours par an de congestion liée aux embouteillages. Nous serons à 17 jours en 2025 si nous n’agissons pas dès aujourd’hui. Notre objectif majeur est d’identifier les corridors de mobilité les plus structurants pour les connecter entre eux. Sur ce dossier plus qu’un autre, l’absence de gouvernance a pénalisé la mise en place de l’intermodalité des réseaux de transports. Et les citoyens en paient les conséquences tous les jours dans leur vie quotidienne et dans leur accès à l’emploi.Cette métropole en cours de construction suscite un vrai rejet de la grande majorité des maires des Bouches-du-rhône (109 sur 119 !). Comment espérer l’émergence d’une métropole au 1er janvier 2016 sans le soutien des élus ? Je ne suis pas là pour juger de la réception par les élus du projet de loi en cours de finalisation mais pour leur démontrer que les enjeux métropolitains sont incontournables. Et quand nous évoquons ensemble ces enjeux, un large consensus se dégage. Ensuite, ce qui freine les élus, ce sont les conditions de gouvernance de cette métropole. Et là, seuls les élus sont à même de construire le modèle le plus approprié. Nous, nous avons à chercher les convergences sur un contenu ambitieux pour le projet stratégique de la métropole et à faire des propositions les plus partagées possibles.
Je suis là pour démontrer aux élus que les enjeux métropolitains sont incontournables.
Vous avez eu, dans un passé récent, à gérer le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme d’ile-de-France. Les situations en ile-de-France et à Marseille sont-elles comparables ? Non, parce qu’à Marseille, nous sommes sur un projet stratégique, avec des acteurs qui auront à construire un cadre. En Ile-de-France, sur le Grand Paris, nous n’étions pas face à une feuille blanche, des études nombreuses et approfondies avaient déjà été réalisées, qui facilitaient la prise de décision des acteurs en présence, dans le cadre bien balisé de la planification.Ne redoutez-vous pas que les métropoles, au sens large, à paris comme ailleurs, ne ressemblent à des usines à gaz ? La métropole sera ce que les élus en feront. Je ne veux pas m’en sortir par une boutade. La loi pose un cadre d’organisation. Ensuite, les élus peuvent l’alourdir ou l’alléger. Je peux comprendre que ce changement de dimension institutionnelle suscite des discussions. Mais le train métropolitain est parti, ce n’est d’ailleurs plus une question d’appréciation droite-gauche : certains territoires ont compris que les projets qu’ils portent auraient plus de chance de se réaliser s’ils s’inscrivaient dans une dynamique métropolitaine. Je pense que, très vite maintenant, on parlera plus du contenu des métropoles que de leur mode de gouvernance.

Vincent Fouchier, docteur en urbanisme, est directeur du projet métropolitain au sein de la mission interministérielle pour le projet métropolitain Aix-Marseille-Provence. Il est, parallèlement, président du groupe urbain de l’OCDE.

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